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Village d’At – El-Kaïd, un savoir-faire en perdition

Il est l’un des rares villages où on peut observer encore l’architecture traditionnelle des maisons kabyles construites à l’aide de la pierre, de la terre et du bois. Il est édifié sur une éminence rocheuse, au pied du massif montagneux du Djurdjura.

Il offre une splendide vue sur la riche plaine des Ouadhias, voir même au-delà, vers Boghni, Draa El-Mizan et les vallons alentours ainsi que les villages et hameaux des collines voisins.

Le village est touché de plein fouet par l’exode rural. Il n’abrite actuellement qu’une dizaine de familles, sur les quelques 1 500 habitants qui y vivaient au lendemain de l’accession de l’Algérie à l’indépendance. Lors d’un recensement effectué en 1948, At El-Kaïd comptait 901 habitants.

Le village, situé à quelques 600 mètres d’altitude, est classé patrimoine national depuis 2006. Un plan permanent de sa sauvegarde et de sa mise en valeur a été adopté la même année.

Mais son application sur le terrain tarde à se réaliser en raison de la lenteur des procédures administratives, dit-on. Une fois restauré, At El-Kaïd, combiné à d’autres sites de la région, constituera certainement une attraction historique, touristique et culturelle de la région. Ce qui pourrait inciter des habitants à revenir au bercail.

Il figure pourtant parmi les sites les plus en vue de la wilaya de Tizi Ouzou. Il fait partie, de par son architecture, des lieux et monuments à visiter. Mais, cette perspective ne se produira qu’une fois réhabilité et inscrit sur les feuilles de routes, les circuits et les itinéraires élaborés par des opérateurs touristiques.

La première tâche sur laquelle doivent plancher les responsables chargés du tourisme et des loisirs consistera à « vendre » l’image du site, à le faire connaître, à le présenter dans la foulée, encore timide, de la relance nationale de l’activité touristique dans toutes ses variantes et diversités.

Adossé sur le contrefort nord du massif montagneux du Djurdjura, At El-Kaïd est classé patrimoine national depuis dix-huit ans. Mais, ce prestigieux statut ne lui a rien procuré de nouveau, hormis un rafistolage de quelques bâtisses effectué en 2012. Le coût de l’opération ne dépassait pas trois millions de dinars, selon le montant cité à l’époque.

Compromis entre l’homme et l’environnement

Ce merveilleux site se trouve près de Agouni Gueghrane, chef-lieu de la commune du même nom, à environ sept kilomètres au sud de la ville des Ouadhias et à 35 km au sud de Tizi Ouzou. Sa date de création demeure inconnue. Il aurait été fondé au 16e Siècle, selon la légende. Vraisemblablement au début de l’arrivée des troupes ottomanes dans la région où elles édifièrent les deux bordjs, forteresses, de Boghni et de Dra El-Mizan. Il est construit sur un monticule accessible par une seule rue étroite et abrupte, obstruée par endroit par des blocs de pierre des maisons effondrées sous le poids des ans, des intempéries et de l’indifférence des propriétaires.

C’est un village qui mérite une virée. Parce qu’il permet de voir, de constater et, surtout, d’apprécier le savoir et savoir-faire des habitants en matière d’architecture vernaculaire. Deux chercheurs, Ouahiba Aliane (Université de Biskra) et le défunt Mohamed Brahim Salhi (Université de Tizi Ouzou) ont publié, en 2005, une riche étude sur, justement, le « Savoir-faire vernaculaires du village traditionnel kabyle : Aït El-Kaïd. »

Ils ont relevé que ce village, objet de leur travail, « est un véritable compromis entre l’ingéniosité des hommes et l’environnement. Ses maisons sont bâties avec des matériaux naturels et locaux. Elles ont su répondre aux exigences de l’homme qui les habite, à son mode de vie, à son mode socio-économique et socioculturel, tout en s’intégrant à leurs paysages, caractérisés par un climat rude de montagne. »

Pour eux, « l’étude des savoir-faire vernaculaires du village Aït El Kaïd, les matériaux et les techniques de construction, témoigne que l’homme a bâti sa maison tout en respectant l’environnement, il a ainsi contribué au développement durable. » Pour ces deux chercheurs, « l’architecture traditionnelle kabyle représente un patrimoine d’une inestimable valeur à préserver aujourd’hui pour les générations de demain. »

At El-Kaïd « a épousé parfaitement le site sur lequel il est bâti, la preuve étant sa forme générale vue de loin mais aussi les roches qui font partie intégrante des murs des maisons. L’habitant de ce fabuleux village « n’a pas modifié son site, bien au contraire, il l’a respecté. Tous les matériaux utilisés dans la construction de la maison traditionnelle sont des matériaux naturels qui n’ont pas subi des transformations majeures, pouvant porter atteinte à l’environnement », selon Ouahiba Aliane et Mohamed Brahim Salhi.

Le respect de l’environnement

« Même les décorations murales sont exécutées avec des roches naturelles de différentes couleurs », ont-ils souligné. « L’inventaire des modes constructifs du village montre que l’homme à Aït El Kaïd a bâti sa maison tout en respectant l’environnement, ce qui contribue au développement durable », ont-ils souligné en guise de conclusion.

L’étude réalisée par Ouahiba Aliane et feu Mohamed Brahim Salhi cite dans le détail les différentes parties composant la maison d’At El-Kaïd et, au-delà, d’un grand nombre de maisons traditionnelles kabyles. Elle décrit l’ensemble des éléments constitutifs de sa construction.

Ces deux chercheurs ont publié d’autres études dont une, fort bien documentée également, datant de 2028, porte sur l’« Attractivité des centres urbains de montagne en Kabylie : résultats des enquêtes sur la mobilité : cas de Bouzeguène. »

At El-Kaïd, comme beaucoup d’autres villages de montagnes, a été, lui aussi, touché de plein fouet par ce phénomène de mobilité. Il est vidé de ses habitants. Il n’en reste entre ses murs qu’une poignée de familles. Les autres, pour différentes raisons, ont rejoint les villes ou construit dans les plaines de la région.

Une stèle en marbre a été édifiée en contrebas du village à la mémoire des quarante-trois martyrs du village. Ils ont été tués durant la guerre de libération nationale (1954/1962). Quatorze d’entre eux ont trouvé la mort le même jour dans la grotte de Tamda Ousarghi.

« Une vaste grotte où l’on accède par des difficiles sentiers de chèvre, s’orne de mille stalactites, excavations et gibbosités de formes variées, colonnades, pendentifs, voûtes, amas grumeleux et, surtout de larges vasques superposées, aux contours arrondis et gracieux », peut-on lire dans Au cœur du pays kabyle. Cette cavité peut être classée comme site historique et patrimoine naturel, puis inscrite sur la liste des sites et monuments à visiter, en été.

M. A. H.

 

Source :

01) – Au cœur du pays kabyle, Martial Rémond, éditions Baconnier, Alger, 1933, réédité par Necib Editions, Alger, 2018

 

 

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