Ce n’est pas le grand rush encore, mais la situation évolue dans le bon sens. L’activité touristique reprend timidement mais sûrement à Alger, notamment à la Casbah. Le quartier accueille des centaines de personnes chaque jour, surtout les jeudis et samedis. Des groupes de touristes et de visiteurs, algériens et étrangers confondus, s’entrecroisent, se saluent, se sourient ou s’échangent, au détour d’un palais, d’un mausolée ou d’une fontaine, leurs impressions ou quelques mots sur des sites, des ateliers et autres échoppes qui méritent un détour.
Le tourisme a boosté l’activité commerciale. Les boutiques poussent comme des champignons, surtout dans la partie haute de la longue rue Sidi Dris Hamidouche (ex-rue de la Casbah). Une artère qui comptait autrefois quatre-cents quatre-vingt-dix-sept marches, allant de la mosquée Ali Bitchin, à basse Casbah, jusqu’au boulevard de la Victoire, à la haute Casbah.
Chaque commerçant tente de faire mieux que son voisin, concurrence oblige. Certains proposent différents objets souvenirs en céramique, en cuivre, en cuir, en bois sculpté ou en tissu. D’autres offrent diverses prestations telles que café, thé, jus, gâteaux orientaux, plats de poisson et autres mets locaux, d’Alger et des autres régions du pays, tels que zviti de Bou-Saâda et Tchakhtchoukha de Biskra.
Djamel Slimane, lui, a opté pour une toute autre activité. Il a créé à Bir-Djebbah, au 14, rue Boudriès père et fils (ex-rue de Thèbes), dans l’enceinte d’un ancien café, un musée lapidaire portant le nom de l’îlot Bir-Djebbah. Il est situé à quelques mètres de la source d’eau du même nom. Djamel ne vise pas à concurrencer le musée des Antiquités. Il voudrait juste faire connaître et apprécier, à sa manière, la Casbah, ses hommes, ses femmes et ses enfants, ses intellectuels et artistes, ses martyrs et résistants de la guerre de libération nationale, ses artères étroites et sinueuses, ses vieilles bâtisses, dont certaines, encore debout, comptent plusieurs siècles à leurs compteurs.
Des bribes d’histoire du Vieil Alger
Le Musée de Djamel est installé dans un minuscule local de style néo-mauresque. Il renferme des portraits, des photos et des coupures presse qui relatent quelques pans de l’histoire du Vieil Alger, dans divers domaines. Il abrite aussi des objets hétéroclites : Théières, cafetières, verres et autres tasses en cuivre, de vieilles calculatrices de bureau, des postes radios anciennes, etc. De l’autre côté de la rue Boudriès, en face de la porte d’entrée du musée, sont entreposés pêle-mêle le long d’un mur, des bouts de colonnes torsadées, d’arcs sculptés en pierre et de socles en marbre ou en pierre pour colonnes, statues, bustes, entre autres. Des objets abandonnés dans la rue, que Djamel récupère pour les exposer et donner plus de consistance à son musée.
Celui-ci est se trouve, pour l’histoire, dans l’ex-rue de Thèbes (actuelle Boudriès). C’était ici que fut commis l’abominable attentat à la bombe contre des civils durant la guerre d’indépendance 1954/1962. Il avait été perpétré, dans la nuit du 10 août 1956, par des policiers français partisans de l’Algérie française. La déflagration, ciblant la population civile, avait fait plus de 80 morts, dont des enfants et des nourrissons, et de nombreux blessés parmi les habitants. Les bâtisses des numéros 8, 9, 9 bis et 10 de l’artère avaient été entièrement détruites ou endommagées par la violente explosion, réveillant en sursaut les habitants de la Casbah, mais aussi ceux des autres quartiers d’Alger.
Quelques-uns des hommes de culture et des artistes de la Casbah sont nés dans l’ex-rue de Thèbes. C’est le cas notamment de hadj M’rizak, de son vrai nom Arezki Chaïb, un des grands-maîtres de la musique chaâbi (populaire), le dramaturge et acteur Rouiched, de son vrai nom Ahmed Ayad, l’acteur et comédien Yahia Benmebrouk, plus connu sous le surnom de l’Apprenti, et bien d’autres. Mohamed Fellag, né en Kabylie, avait vécu dans l’immeuble où est installé le musée de Djamel.
En fait, chaque îlot de la Casbah a donné son contingent de femmes et d’hommes de culture, évoluant dans différentes disciplines. Un grand nombre d’entre eux y ont laissé une empreinte indélébile. C’est tout ça que Djamel Slimane voudrait connaître et faire connaître aux visiteurs de son petit musée. Une initiative à encourager ailleurs, dans d’autres villes et villages du pays.
M. A. H.