Loin d’être une riposte aux mesures décidées par l’Administration américaine et qui ébranlent depuis quelques semaines l’économie mondiale, la Libye est sur le point de reconfigurer sa politique en matière de commerce extérieur, avec comme objectif, la relance de l’économie locale.
Le ministre libyen de l’Economie et du Commerce a, en effet, soumis pour approbation, la semaine précédente, au Conseil des ministres un projet de loi à travers lequel le gouvernement de Tripoli envisage de mettre en place des mesures protectionnistes.
Dans ce sillage, selon l’agence de presse italienne, Agenzia Nova, qui a rapporté l’information, le projet de décret en question prévoit notamment l’instauration de taxes douanières allant de 10% à 25% sur les produits importés de pas moins de 26 pays.
Parmi les pays ciblés par ces mesures en attente d’approbation, figurent de principaux partenaires de la Libye, en tête desquels l’Espagne, les Etats-Unis et la Grèce qui seront taxés à hauteur de 21%. Les produits en provenance d’Italie, de Turquie et de Tunisie seront, quant à eux, taxés à 20% selon les nouvelles dispositions proposées par le ministère libyen de l’Economie et du Commerce.
La France sera soumise à un nouveau tarif douanier sur le marché libyen de 19,6%, tandis que l’Allemagne sera taxée à 19%. La Chine et l’Egypte, deux partenaires majeurs de Tripoli aussi, seront de leur côté soumises à des taxes devant atteindre respectivement 17% et 14%.
Plusieurs autres pays parmi les principaux fournisseurs du marché libyen en produits de différentes catégories ne seront pas épargnés par les nouvelles taxes douanières que prévoit le gouvernement, parmi lesquels des pays arabes ou ceux de l’Union européenne, a indiqué la même source.
Dans les explications fournies pour justifier le choix du gouvernement libyen d’aller vers la mise en œuvre de mesures protectionnistes, le ministre de l’Economie et du Commerce a mis en avant notamment l’objectif d’encourager la production industrielle sur le marché local. Ces mesures visent aussi l’atténuation de la demande en devises étrangères, fortement recherchées par les importateurs, ce qui exerce de fortes pressions sur la Banque centrale de Libye et le marché local de change.
Lutter contre la fuite des capitaux
En plus de la protection de la production industrielle libyenne, Tripoli vise aussi, à travers cette politique de tarifs douaniers, à «réduire la dépendance du pays à l’égard des importations», ainsi que «l’amélioration de la compétitivité des industries locales, la limitation de la fuite des capitaux et la rationalisation des dépenses publiques», a expliqué le ministre.
Toutefois, ces barrières tarifaires ne sont pas destinées à s’inscrire dans la durée, puisque le même membre du gouvernement libyen a tenu à préciser que ces mesures sont conçues sous forme d’«un mécanisme temporaire et ciblé», dont la durée initiale est de 14 mois à compter de leur adoption par le Conseil des ministres et de leur mise en œuvre, mais elles sont «renouvelables».
Cependant, selon le même ministre, ces nouvelles taxes «n’auront pas d’impact sur les biens essentiels, ni sur les importations à usage humanitaire ou faisant l’objet d’exemptions spéciales».
Dans un contexte où l’économie du pays est entrée dans une nouvelle phase de redynamisation, la Libye est fortement dépendante des marchés internationaux. A titre indicatif, selon les données de l’exercice 2022, les importations libyennes ont atteint près de 30 milliards de dollars, constituées principalement de produits manufacturés, équipements industriels, machines et outils, ainsi que les produits alimentaires, à leur tête les produits agricoles. Parmi les principaux partenaires approvisionnant le marché libyen, figurent la Turquie, les Emirats arabes unis ainsi que la Chine.
La Libye est, toutefois, fortement dépendante des importations en produits essentiels et stratégiques. Durant l’année dernière, la facture des importations en produits pharmaceutiques et médicaments s’est située, à titre d’exemple, entre 4 et 5 milliards de dollars, soit une hausse de plus d’un quart par rapport à l’année d’avant, où elle a été de 3 milliards de dollars, avait indiqué précédemment le ministre libyen de la Santé.
Ahmed Allaoua