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Hôtel El-Djazaïr, l’indétrônable

 

Hôtel El-Djazaïr conserve encore le charme et des relents de son style mauresque d’origine, malgré les multiples modifications qu’il a connues depuis sa confiscation par l’armée française en 1830, sa transformation en Orphelinat des sœurs de Saint-Vincent de Paule en 1849, sa mutation en hôtel à la fin du 19ᵉ siècle et son occupation par les forces alliées durant la Seconde Guerre mondiale.

En dépit de péripéties mouvementées traversées, il demeure l’un des plus prestigieux établissements hôteliers d’Alger. Il est incrusté comme un joyau dans un extraordinaire écrin d’une luxuriante verdure. Le jardin botanique de 7.000 m2 qui l’entoure est complanté de plusieurs centaines de variétés et d’espèces végétales, exotiques pour la plupart d’entre elles.

L’hôtel El-Djazaïr n’est donc pas un établissement hôtelier comme les autres. Son histoire est en partie liée à divers évènements qu’a connus l’Algérie, notamment la Seconde Guerre mondiale. L’ex-Saint George, qui porte le nom du saint patron de l’Angleterre mort en l’an 303 après Jésus-Christ, a joué un rôle de premier plan durant ce conflit. C’est d’ici que partaient les ordres d’attaque contre des navires, des bases et autres colonnes des troupes de l’Allemagne nazie. Il a été transformé en salle des opérations maritimes des forces navales des Alliés dès 1939. «Pendant deux ans, de ces hauts lieux qui dominaient la baie, partiront des ordres concernant les forces maritimes du Sud» (01) et des rapports, nombreux, vers les Etats-Unis d’Amérique.

«L’hôtel Saint George devient la grande usine où se forgent les plants secrets, l’état-major d’Eisenhower s’augmente de jour en jour» (2) pour atteindre 2.000 personnes vers la fin de 1942. Le gros du travail se faisait dans la grande salle des fêtes. Et l’activité qui s’accomplissait n’avait rien de festoyant. Bien au contraire, c’était le branle-bas de combat dans l’établissement. «Ici se trouvait la salle des opérations. Au milieu de la pièce se dressait une immense carte de la Méditerranée sur laquelle figurait la position de tous les navires alliés et ennemis.» (03)

Saint-George revient à la vie civile

Durant la Seconde Guerre mondiale, l’hôtel est le quartier général (QG) des forces alliées dirigées par les Américains. C’est dans cet établissement que fut signé le 22 novembre 1942 l’accord de cessez-le-feu entre, d’un côté, le lieutenant général Dwight D. Eisenhower, le lieutenant général Mark W. Clark et Robert D. Murphy du département d’État américain et, de l’autre côté, l’amiral vichyste français François Darlan.

Ce dernier avait, auparavant, demandé aux forces militaires françaises de Vichy en Algérie de ne pas s’opposer au débarquement des Alliés, entamé le 8 novembre 1942. Il avait été assassiné le 24 décembre 1942 par un jeune étudiant anti-vichyste au Palais d’été, autre résidence de villégiature de Mustapha Pacha.

L’hôtel Saint-George n’a repris contact avec la «vie civile» qu’en 1946, à la fin de la guerre. Mais il avait subi d’importantes transformations durant les hostilités. Son superbe jardin botanique avait été malmené, d’abord, par les «résidents» militaires américains, ensuite par des bombardements répétés de l’aviation allemande. Des pilonnages, il en avait essuyé beaucoup. Il avait mis du temps pour retrouver, mais pas complètement, ses couleurs et son ambiance d’antan.

Les traces historiques, palpables, laissées par ce dramatique conflit, se caractérisent par des portraits des officiers américains et français ayant pris une part active à ce combat. Ils sont visibles, apposés sur des murs du spacieux hall de l’établissement. On y a rajouté par la suite d’autres visages de personnalités de renom ayant séjourné dans l’hôtel : des hommes politiques, des artistes, des écrivains, des acteurs, des chanteurs de renom, etc. Algériens et étrangers confondus.

Le palais de l’actuel hôtel Saint-George fut à l’origine une résidence de campagne de Mustapha Pacha, celui-là même qui avait construit plusieurs bâtiments semblables, dont l’actuelle bâtisse abritant le Musée national de l’enluminure, de la miniature et de la calligraphie, et Dar Es-Souf, à
La Basse-Casbah.

Le bâtiment servant d’hôtel avait été édifié entre 1798 et 1805, sous le règne de Mustapha Pacha. Celui-ci avait été assassiné par son successeur, Ahmed Pacha, qui avait confisqué tous ses biens. Au débarquement des troupes françaises à Alger en juin 1830, l’un des héritiers de Mustapha Pacha, Ibrahim, avait réussi à récupérer le palais. Il l’avait ensuite vendu en 1846 aux Domaines qui l’avaient offert aux sœurs de Saint-Vincent-de-Paul pour en faire un orphelinat dès 1849.

Une oasis de verdure

Le bâtiment est vendu quelques décennies plus tard, en dépit de l’interdiction d’une loi coloniale de l’époque, à Georges Guiauchain, architecte bien connu sur la place d’Alger durant la 2ᵉ moitié du 19ᵉ siècle et au début du 20ᵉ siècle (mort en 1912). Il l’avait transformé en hôtel de 1ʳᵉ classe en 1889. Deux ans après sa création, l’hôtel Saint George participe au Programme du 3ᵉ grand Concert-Promenade organisé par le Comité des fêtes de la ville d’Alger. L’après-midi musicale s’était déroulée le 5 mars 1891 de 14 à 16 heures dans le luxuriant jardin de l’établissement.

Des placards publicitaires rédigés en français et en anglais, publiés dans des journaux et revues de l’époque, montraient que le Saint-George est bel et bien né à la fin du 19ᵉ siècle. Les bâtiments actuels ont subi des transformations et des rajouts effectués notamment par Georges Guiauchain et son fils Jacques, tous deux architectes, et par François Pouillon, père des complexes touristiques algériens, après l’indépendance en 1962.

Le Saint-George fut, pendant 80 ans environ, un des points de chute des riches hiverneurs anglais, charmés par le soleil et le doux climat d’Alger. D’autres villes du pays attirent aussi des hiverneurs-touristes anglais. C’est le cas particulièrement de Biskra.
La Reine des Zibans avait, entre autres personnalités de renom, hébergé entre 1920 et 1936 Clare Consuelo Sheridan, journaliste, sculptrice, écrivaine et cousine de Winston Churchill, ancien Premier ministre britannique.

L’établissement offre une belle vue sur la baie d’Alger. En plus de son splendide jardin, il dispose d’une extraordinaire terrasse ombragée. «Le Saint-George offre à l’homme d’affaires fatigué, une oasis de verdure, de fraîcheur et de tranquillité. Rien de plus reposant qu’un repas pris sur la terrasse, le service est soigné, la cuisine excellente, les prix raisonnables […] Quant à la carte des vins, il n’en existe aucune à des prix aussi bas», proposait une publicité parue dans les Annales algériennes du 1ᵉʳ juin 1935.

M. A. H.

Source :
 01, 02, 03 – L’Echo d’Alger, 11 12 1946

 

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