Dans cette interview, l’économiste affirme que l’engouement pour le produit sidérurgique algérien est lié à sa «compétitivité par rapport à d’autres produits concurrents du fait même de l’avantage détenu en termes d’accès à l’énergie, particulièrement le gaz naturel».
Entretien réalisé par Badreddine K
L’Algérie se positionne comme l’un des potentiels principaux fournisseurs sidérurgiques de l’Europe grâce à ses atouts tels qu’une production de qualité et en quantité et un coût de l’énergie compétitif. Confirmeriez-vous ce classement et ces atouts ?
L’Algérie a pu installer une capacité de production appréciable dans la branche industrielle sidérurgique grâce à l’apport d’investissements directs étrangers que sont la firme turque Tosyali et celle qatarie AQS, en plus de l’EPE Sider installée à El Hadjar. Aussi, l’Algérie est passée en un temps rapide de pays producteur et importateur d’aciers (sous différentes formes) à pays exportateur. Evidemment, ce n’est qu’une partie de la gamme des produits sidérurgiques qui est orientée vers l’export, car l’autre partie couvre les besoins nationaux. Au demeurant, certains producteurs européens se redéploient justement en raison de la contrainte énergétique, l’empreinte carbone et l’évolution du tissu industriel en termes technologiques. Ceci reste complexe, car la branche sidérurgique s’inscrit largement dans les chaînes de valeurs mondiales.
Quelle appréciation faites-vous du potentiel que recèle l’Algérie en matière de sidérurgie ?
On assiste à une diversification intrabranches en raison de nouvelles perspectives qui se présentent aux producteurs de droit algérien de pouvoir placer une grande partie de leurs produits sur les marchés étrangers. L’une des raisons de cet engouement pour le produit sidérurgique algérien est justement sa compétitivité par rapport à d’autres produits concurrents du fait même de l’avantage détenu en termes d’accès à l’énergie, particulièrement le gaz naturel. Par exemple, les produits de Sider que sont les tubes en acier soudés destinés au transport des hydrocarbures (gaz et pétrole) ainsi qu’au transfert de l’eau des barrages sont très demandés par la Sonatrach. Les produits plats de Tosyali et AQS destinés aux industries de l’emballage, de l’automobile et de l’électroménager. Enfin, les profilés et ronds à béton approvisionnent les chantiers du BTP. Cette diversification a créé une nouvelle dynamique dans la branche sidérurgique lui permettant de réaliser des gains de productivité et donc pouvoir exporter, sans perdre de vue l’atout énergétique dont elle dispose.
En plus de ses atouts, le secteur de la sidérurgie algérien bénéficie d’autres avantages tels qu’une main-d’œuvre qualifiée et des filières dynamiques qui utilisent les produits issus de la sidérurgie. Quel serait l’apport de ces facteurs sur le développement du secteur et par ricochet sur la croissance économique du pays ?
L’Algérie a capitalisé une expérience dans la branche sidérurgique depuis la création de la SNS dans les années 1960, et surtout le complexe sidérurgique d’El Hadjar qui comprend haut fourneau et aciérie, à partir desquels un personnel qualifié s’est formé, et ce, malgré les énormes difficultés à partir des années 1990 et sa privatisation échouée, mais dont l’Etat a repris le processus de détention de la propriété à 100%, car s’agissant d’une industrie structurante.
L’Algérie œuvre d’ailleurs pour que la production de fer et de tôles d’acier algériennes puisse intégrer le marché européen. Ce qui constitue l’une des raisons qui ont motivé notre pays à réviser l’accord d’association qui lie l’Algérie à l’Union européenne. Quel serait l’impact d’une telle décision, si elle venait à être consacrée dans la nouvelle copie révisée de l’accord, sur l’économie nationale ?
La sidérurgie algérienne a besoin d’un accompagnement pour quelle puisse acquérir des parts de marché à l’international. Le marché européen est important à ce titre, mais reste fortement protégé. Les produits sidérurgiques algériens ne sont pas concernés par les quotas de l’Union européenne attribués à quelques grands producteurs mondiaux du fait qu’à l’époque de la négociation de l’accord d’association, l’Algérie n’était qu’un producteur, certes, avec de faibles quantités, mais gros importateur de ronds à béton et d’acier plats. Aussi, l’opportunité de replacer les produits sidérurgiques algériens se présente justement avec le processus de révision de l’accord d’association avec l’Union européenne. D’autant plus que l’Algérie compte augmenter ses investissements dans la sidérurgie grâce à l’effort des acteurs agissant dans le domaine, eu égard aussi à l’énorme projet minier de Gara Djebilet qui, dès qu’il rentrera en production, pourra offrir de la matière première qu’est le minerai de fer de qualité et en grande quantité.
Cependant, le secteur industriel doit permettre l’émergence d’un nouvel écosystème national autour de la sidérurgie et des mines, à travers les filières de la récupération, logistique, transformation et la distribution avec l’appui des pôles sidérurgiques majeurs existants. Etes-vous de cet avis ?
Evidemment, les produits sidérurgiques se situant en amont des processus industriel, la diversification des activités productives va certainement avoir un effet d’entraînement sur la branche elle-même. Les fortes demandes de Sonatrach, des entreprises de l’électroménager, celles de la métallurgie et la mécanique, le secteur du bâtiment, la réalisation d’un ambitieux réseau ferroviaire, etc. sont autant d’opportunités pour les sidérurgistes algériens de placer leurs produits et de se renforcer à l’international. C’est ce qui est en train d’être fait actuellement.
Quels sont les éléments les mécanismes qui doivent être introduits pour que ce secteur soit mis sur les rails et qu’il monte en puissance et en capacité pour alimenter l’industrie locale sous toutes ses formes et l’industrie ferroviaire, automobile et électroménager ?
L’investissement est le maître-mot, car il s’agit d’une industrie hautement capitalistique, nécessitant d’important moyens tant financiers, technologiques, énergétiques qu’humains. L’une des contrainte qui apparaît justement par rapport au marché européen, c’est l’entrée en vigueur de la taxe carbone en 2026 avec le mécanisme CBAM (Carbon Border Adjustment Mechanism), car les produits sidérurgiques sont concernés du fait qu’ils ont une forte empreinte carbone. Dans ce cas, les producteurs sidérurgiques algériens vont certainement aller vers plus de protection de l’environnement.
B. K.