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Akli Moussouni, expert agronome au cabinet CIExpert: «La sécurité alimentaire exige une politique agricole bien conçue»

 

Il s’agit, selon cet expert, «d’une politique agricole qui consiste à faire une évaluation du contexte de tout point de vue, à savoir moyens d’existence, règlementation, subventions, organisation de la profession, planification, potentiel humain et matériel, pour envisager la création de chaînes de valeur, de la notion de filières à faire partager entre l’Etat et l’agriculteur pour des objectifs précis».   

 

Entretien réalisé par Badreddine K.

L’agriculture algérienne reste-t-elle encore dépendante de l’extérieur, notamment pour certaines cultures stratégiques. Etant donné les difficultés de diverses natures que vivent certains pays producteurs, fournisseurs de notre pays, y aurait-il un impact sur la disponibilité de ces produits agricoles stratégiques ?

Au regard de l’instabilité du contexte géopolitique mondial, non seulement il y aura incertitude par rapport aux sources d’approvisionnement de notre pays, mais aussi par rapport au contexte énergétique mondiale fragilisé, du fait que l’essentiel des recettes en devises du pays proviennent de l’exportation des hydrocarbures. Ce sont autant de conséquences que l’Algérie subit de plein fouet au moment où le Trésor public continue, non sans difficulté, à subventionner ces produits de l’importation aux dépens du produit national.

 

L’Etat s’est fixé l’objectif d’atteindre une autosuffisance totale et complète en blé dur vers fin 2025 et en orge et en maïs en 2026. Penseriez-vois que ces performances seront réalisées à cette échéance ? Quelles sont les solutions à préconiser pour atteindre de tels objectifs ?

Curieusement, nous n’arrivons pas à comprendre les raisons à l’origine des défaillances pour en tirer des leçons par rapport à une situation qui tend malheureusement à perdurer et s’aggraver, que nous continuons de projeter des objectifs infaisables en agissant avec les mêmes mécanismes qui ont mis à plat cette agriculture, qui au lieu d’être une richesse, elle s’impose comme une charge lourde de conséquences auxquelles nous assistons, à savoir une facture des importations qui continue de gonfler, des prix insupportables sur le marché national, des subventions de plus en plus importantes.

Des solutions à préconiser ? Oui c’est possible, il n’existe pas de problèmes sans solutions mais lorsque le problème est mal posé, il n’y a pas de solution. Au lieu de se poser justement la question du comment faire évoluer cette situation, nous continuons de projeter des objectifs infaisables en guise de solution. Ce qui laisse penser que nous continuons à croire au développement de ce secteur à contrecourant de toute logique de développement.     

 

Pour cela, le gouvernement a élaboré un plan d’action qui vise le développement de six cultures stratégiques, à savoir les céréales, les légumineuses, les oléagineuses et betteraves sucrières, le lait, la multiplication de semences. Quelle est votre appréciation de la mise en œuvre de ce plan ?

 

Tout développement et sécurité alimentaire exigent le respect et la prise en charge de concepts d’une politique agricole qui consiste à faire une évaluation du contexte de tout point de vue, à savoir moyens d’existence, règlementation, subventions, organisation de la profession, planification, potentiel humain et matériel, pour envisager la création de chaînes de valeur, de la notion de filières à faire partager entre l’Etat et l’agriculteur pour des objectifs précis.

 

L’une des solutions viendra-t-elle du sud du pays où le développement de l’agriculture saharienne pourrait assurer 30 à 50% des besoins nationaux, avec la création de grands périmètres irrigués bénéficiant des importantes réserves d’eaux phréatiques, soit des superficies pouvant être mises en valeur, dépassant le 1,5 million d’hectares ?

Pour une meilleure compréhension, il y a lieu de savoir que 1,5 million d’hectares, c’est en termes de surface, une bande de terre d’une largeur de 10 km et qui s’étend sur une longueur de 1.500 km. Ce qui est assimilable au projet du barrage vert ou le projet du million d’hectares d’oliviers envisagés par les pouvoirs publics. L’inhospitalité du climat du Grand-Sud, l’extrême pauvreté du sol, essentiellement sableux, l’Albien, une nappe dont l’Algérie ne dispose d’aucune donnée fiable, laissent penser qu’il n’y a pas lieu d’anticiper sur des projections irréalistes sans connaître la réalité du terrain. A nos yeux, il y a lieu d’agir avec prudence dans ce qu’on appelle l’agriculture saharienne.

 

Une superficie totale de 458.823 ha a été dégagée par l’Etat pour des investissements au Sud. Des mesures incitatives ont été décidées également en faveur des agriculteurs, des opérateurs économiques pour développer des filières agricoles à valeur ajoutée dans le Sud. Quelles sont les chances pour que la stratégie adoptée par l’Etat pour développer ces cultures soit efficiente à court et moyen terme ?

Des attributions et des récupérations de terres ont été effectuées plusieurs fois, sans élaboration d’un bilan et la prise de connaissance des contraintes à l’origine de la défaillance de cette démarche, sachant que des milliers d’hectares de terres mis en valeur ont été abandonnés après avoir englouti des enveloppes faramineuses provenant essentiellement des aides de l’Etat. Ces nouvelles mesures destinées à développer des filières agricoles, alors que les filières sont en fait une construction d’ordre organisationnelle des professions qui seront appelées à générer des offres collectives dans un cadre planifié. A défaut de reconfigurer l’agriculture traditionnelle du nord du pays, on compte développer une alternative avec l’agriculture saharienne, au lieu de développer une vision intelligente en exploitant rationnellement toutes les opportunités offertes par ce vaste continent qu’est l’Algérie, que la nature a doté d’une biodiversité très riche et diversifiée.

B. K.

1 Comment

  1. Soufari Ahmed
    février 15, 2025 @ 10:43 am

    Vous avez bien posé les problèmes de l’agriculture Algérienne, mais quelles sont les solutions pour surtout assurer la souveraineté alimentaire du pays ?
    Que faut-il faire pour que les terres appartenant à l’état soit plus de 2.400.000 ha et dont la plupart sont en jachère soient exploitées de façon rationnelle ?
    Je vous remercie pour la clarté de votre exposé.

    Reply

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